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Les Akwa fêtent leur nouveau Roi

SociedadLes Akwa fêtent leur nouveau Roi

Les Akwa fêtent leur nouveau Roi

Emmanuel de Solère Stintzy

Samedi dernier 27 octobre, plus de 1.000 personnes ont assisté, sur les berges du Wouri, au sacre du Roi Din Dika Akwa III, onzième souverain de la dynastie des Akwa. Seul Roi traditionnel intronisé ces 60 dernières années à Douala, il a été fêté dans la joie par sa communauté. 25 délégations des principales chefferies camerounaises et plusieurs souverains africains avaient également fait le déplacement. Récit d’un samedi vraiment pas comme les autres…

La foule, et plus particulièrement les Akwa, peuple de l’eau, arrivent par vagues successives. Les femmes portent “le kaba ngondo” (robe ample cousue pour pareille circonstance), les hommes “le sanja” (pagne noué autour des reins). Pour un peu, on se croirait à un défilé de mode, avec ces innombrables et élégants pagnes grenats à franges bleus préparés exprès pour le sacre.

Les mauvais esprits des berges du Wouri diront que les Akwa n’ont pas beaucoup de chemin à faire pour introniser leur Roi… Il est vrai que d’autres viennent de beaucoup plus loin : du Centre, avec la Reine des Ewondo ; de l’Ouest, avec le Sultan Bamoun ; du Nord avec les lamidos de Garoua et de Ngaoundéré, etc. Les pays plus ou moins voisins sont eux-aussi de la fête, avec des danseurs, des musiciens et des représentants officiels du Togo, du Bénin, du Nigéria, de Centrafrique, du Tchad, ou encore, du Burundi…

Au bord du fleuve Wouri, à l’eau à peine plus troublée que d’ordinaire, les chants investissent avant leur Prince “la dibala”, la hutte traditionnelle dans laquelle vont se dérouler à l’abri du grand public une partie des rituels. Aux cris guerriers succèdent les chants de louanges (“tu es un digne fils de ce pays!”). On a quand même du mal à croire que c’est dans cette petite hutte en branchages qu’un Prince est appelé à naître Roi.

Les Akwa ne cachent pas leur impatience de voir débarquer leur Prince. Et n’allez pas leur dire que c’est son poste de cadre supérieur à la BEAC (Banque des Etats de l’Afrique Centrale) qui lui a valu d’être choisit comme Roi : “On ne choisit pas quelqu’un qui doit régner pour ses moyens financiers, mais parce qu’il est brillant, simple, respectueux”.

Un Roi “brillant” et “simple”

Les militaires et policiers présents ont encore moins de choses à faire que d’habitude. S’ils s’agitent à présent, c’est qu’un ministre est annoncé. Coups de klaxon agressifs, escorte musclée : les uniformes retrouvent de leur autorité jusqu’ici confisquée par le pouvoir traditionnel. La République serait-elle mieux gardée que la tradition ? Pas sûr… La garde rapprochée du Prince Din Dika et les soldats de l’armée traditionnelle suivent de très près l’arrivée majestueuse en pirogue de leur protégé. Le très prochain Roi du peuple de l’eau, parti du village de Bonamouang (environ deux kilomètres du lieu de la manifestation) débarque avec toute une flottille à ses côtés. “La grande pirogue dépasse toujours la petite!” chantent les musiciens amassés devant la hutte en secouant vigoureusement leurs clochettes, pour signifier que le Roi dépasse tous les petits chefs. Sur les pirogues, les danseurs sont encore plus agités. On se demande par quel miracle ils n’ont pas encore chaviré avec leur Prince, par seule bouée de secours.

Cérémonial dans la hutte sacrée

Le Prince arrive finalement à bon port. Dans une bousculade indescriptible tout autour de lui, il entre dans la hutte, escorté par sa garde rapprochée qui a formé une haie d’honneur. A l’intérieur, le Prince écoute les grands prêtres responsables du cérémonial et quelques notables initiés qui lui donnent des conseils qui l’aideront à diriger sa communauté.

A l’extérieur, “le service d’ordre royal” renvoie avec peu de nobles sentiments un mendiant qui adressait un banal salut à la hutte… Les curieux grimpent aux arbres pour apercevoir entre les feuilles un bout du spectacle. Les cracheurs de feu, eux, s’amusent à carboniser ceux qui s’approchent trop près de la hutte (arme à double tranchant quand le vent tourne et qu’on se prend un retour de flamme pas volé en pleine face!).

Tout cela ne fait que réchauffer les ardeurs des Akwa ! “Pour nous, c’est un jour de joie. Cela fait plus de 60 ans que nous n’avions pas eu de Roi. Je suis très fier de vivre cela aujourd’hui”, explique celui-là. “Nous attendons de lui qu’il mette fin aux conflits sociaux, au tribalisme et qu’il fasse l’unité entre nous!”, ajoute celui-ci. Cette dernière tâche ne sera pas la plus aisée, puisque, depuis la mort du Roi Betotè Akwa en 1976, une longue période de querelles dynastiques a déchiré les Akwa.

Le Prince devient Roi

Tout d’un coup, le balafon résonne, pour communiquer avec le monde des ancêtres. Le Prince sort de la hutte. Nouvelle bousculade et nouvelle haie d’honneur “des gardes du corps”. Le speaker est obligé de souffler le chaud et le froid : “le Roi Akwa est là”, puis, l’instant d’après : “restez à vos places, s’il-vous-plaît!” Le Prince se dirige vers son trône. Confortablement installé, il reçoit différents attributs qui font de lui le nouveau Roi des Akwa : le bâton de commandement, la clef du royaume avec laquelle il doit être capable d’ouvrir n’importe quelle porte (!), une hotte chargée de collecter malédictions et bénédictions (à lui après de faire le tri!). On lui donne également à manger un fruit rituel qui consacre son pouvoir. Puis, il boit une potion secrète dans une calebasse, elle aussi rituelle.

Le Roi demande l’approbation du peuple. Il prend la parole. Il évoque “la paix, la confiance mutuelle et l’humilité sans lesquelles rien ne peut se faire”. Le peuple Akwa entonne ensuite son hymne, le poing orgueilleusement levé au ciel. Les motifs de fierté ne manquent pas dans la communauté : les premières firmes commerciales, les premières missions chrétiennes et les premières écoles se sont toutes implantées d’abord dans leur canton ! Akwa lui-même, André Elimbi est, on s’en doute, intarissable sur le sujet : “les Akwa ont toujours été des innovateurs. Aujourd’hui encore nous sommes à l’origine de la révolution qui fait que d’autres Rois nationaux, mais aussi d’ailleurs du continent soient présents!”

Comme pour corroborer ces dires, les autres Rois, les chefs, les notables, se font un devoir de se rapprocher du trône pour faire acte d’allégeance au nouveau Roi. Le Roi du Bénin, Président du Conseil supérieur des Rois d’Afrique annonce à Din Dika qu’il devient conseiller de cet organisme. Il révèle également que sa Reine, camerounaise d’origine, est en train de mettre en place une structure comparable pour les Reines du continent. Le Roi Din Dika clôture les festivités par un tour d’honneur. Il est encadré par les chefs du Grand Sawa qui lui tiennent les bras, comme pour le soutenir dans sa première démarche royale.

Quel genre de Roi ?

Mais quel Roi sera Din Dika Akwa III ? “Il sera un Roi moderne de par sa formation intellectuelle (ndlr : le Roi est diplômé supérieur en sciences économiques); et, en même temps, il devient de par la Constitution camerounaise, “détenteur du commandement traditionnel”. La fonction de Roi a donc pris beaucoup de valeur!” se félicite cet Akwa. Il n’empêche, on peut se demander ce qui relie Din Dika à ses prédécesseurs. Sera-t-il un aventurier, comme King Mulobe m’Ewale qui aménagea en 1660 un lieu de vie préfigurant le Canton Akwa ? Une figure historique, comme son grand-père, King Dika Mpondo, qui, en 1884, signa le traité germano-duala ?

La procession qui vibre au son des tam-tams et se dirige vers le Mausolée situé en plein coeur du quartier Akwa derrière le marché “Douala bar”apporte un début de réponse. Le premier Roi Akwa à avoir été enterré ici est en effet son grand-père, mort en détention le 16 décembre 1916. Din Dika Akwa III n’a pas oublié. Son premier décret est pour son ancêtre : “à partir de 2002, le 16 décembre de chaque année sera pour les Akwa jour de méditation et de recueillement en mémoire du King Dika Mpondo”. Pendant ce temps, un aigle s’élève au-dessus de la masse et survole le cortège. Le présage plaira aux Akwa qui ont adopté comme symbole cet animal fier et d’envergure imposante.

La source: Le Messager. 15.000 ex., Cameroun, hebdomadaire. Créée en 1979, cette institution de la presse d’opposition camerounaise égratigne trois fois par semaine le président Paul Biya et les dérives autoritaires de son régime. http://www.wagne.net/messager. La mise à jour du site est très irrégulière. La rubrique La Presse Enchaînée propose des liens sur d’autres publications et sur le site du Human Rights Watch.

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