Patrimoine naturel reconnu et classé par l’Unesco: L’arganier sauvé?
Par Khadija Alaoui
Depuis le début des années 90, différents colloques et séminaires ont été organisés autour de la situation de l’arganeraie marocaine. Les constats ont toujours été alarmants. L’arganier se meurt. En moins d’un demi siècle, relèvent les spécialistes, la densité moyenne de l’arganeraie nationale est passée de 100 arbres / Ha à 30 arbres / Ha, tandis que les superficies couvertes régressaient en moyenne de 600 Ha par an. Cette situation n’a pas seulement des conséquences négatives sur l’écosystème mais a aussi de graves répercussions sur l’économie de la région.
Véritable patrimoine naturel reconnu et classé par l’UNESCO, l’arganier bénéficie du statut de réserve de biosphère. Cet arbre, aux multiples vertus, qu’on dit «béni des dieux» constitue le dernier rempart contre la désertification. Il est aussi irremplaçable pour la conservation des sols et des pâturages et pour la lutte contre l’érosion et la désertification.
Grâce à ses racines, qui peuvent atteindre plusieurs mètres de long, l’arganier, révèlent les chercheurs, participe à la fixation des sols qu’il enrichit par ailleurs en matières organiques issues de ses feuilles mortes. Sous un arganier des chercheurs ont recensé, jusqu’à cent variétés végétales, qui – cela a été prouvé – ne doivent leur survie, qu’à son abri protecteur.
N’existant nulle part ailleurs qu’au Maroc, (toutes les tentatives visant à les implanter dans d’autres régions du monde se sont soldées par un échec), l’argana spinoza, de son nom savant, est comme l’explique les spécialistes, «une espèce xérophile et thermophile ne pouvant vivre que dans des conditions très strictes de température et d’humidité». Cet arbre se serait développé à une époque où le climat était très chaud. Extrêmement résistant, l’arganier vit dans des conditions très difficiles, dans une région où la pluie se fait rare. Protégé par d’antiques lois, cet arbre n’en continue pas moins d’être confronté aux agissements irréfléchis de l’Homme et à une exploitation effrénée et incontrôlée. Ayant résisté pendant des millions d’années aux aléas climatiques les plus défavorables, l’arganier pourrait, si l’on ne prend pas garde, disparaître, purement et simplement.
Heureusement que des actions, de plus en plus concertées, mieux réfléchies, sont actuellement menées pour préserver et réhabiliter cette ressource économique naturelle. Les coopératives créées, dans la région, avaient eu, pour ambition de réhabiliter et de donner une seconde vie à l’argan, à travers tout un processus d’extraction de cette huile et son conditionnement. La création, à l’initiative d’ESPOD, en 2003, d’une ferme protégée, dans la région de Taroudant, a été une autre action, tout aussi louable, qui vise à protéger au maximum cet arbre toujours menacé. «Dans l’arbre, il y a deux fruits. Le fruit de la saison et celui de la saison d’après.
Quand la chèvre grimpe sur l’arbre, elle consomme le tout. Dans notre site, il y aura des clôtures et on proposera aux gens d’amener leurs chèvres pâturer sur ce site. On leur proposera de leur donner l’équivalent de la nourriture consommée par l’animal. En plus de la pulpe, nous allons également donner à cette chèvre le tourteau qui contient 49 % de protéines. D’après nos études, une chèvre pâture sur une quarantaine d’arbres. Chaque arbre peut nous donner un rendement minimal de 50 Dhs. Cette chèvre rapportera lorsqu’on voudra la vendre entre 400 et 450 Dh alors qu’elle nous a détruit un minimum de 30 arbres qui coûtent 1500 Dh. Elle a détruit, en plus, la coque qui est un combustible…», expliquent les initiateurs de cette action. La plantation protégée devrait, en plus, contribuer à faire renaître, l’économie de toute une région.
Les mesures scientifiques appropriées pour mieux comprendre et assurer la sauvegarde de l’arganier peuvent nous redonner, aujourd’hui, de l’espoir
La Fondation Mohammed VI pour la recherche et la sauvegarde de l’Arganier, créée en 2004, à Essaouira, vise justement, comme devait l’expliquer André Azoulay, conseiller de S.M. le Roi et président de la Fondation à «fédérer et impulser toutes les initiatives qui tendent à sauvegarder, à protéger et à valoriser l’arganeraie du Maroc et les produits dérivés de l’arganier».
Au cours de ses premiers mois d’activité, la Fondation s’est tout particulièrement penchée sur «l’ouverture d’un certain nombre de voies qui sont vitales structurellement, économiquement et scientifiquement pour la préservation de l’espèce et pour une rationalisation de tout ce qui touche à l’arganeraie et aux produits dérivés de l’arganier», avait expliqué, en substance le président de la Fondation Mohammed VI pour la recherche et la sauvegarde de l’Arganier.
La lutte contre les abattages frauduleux et autres arrachages illégaux d’arganiers, grâce à une coopération avec la gendarmerie Royale sont une des actions ciblées de la Fondation qui a lancé, par ailleurs, une opération de recensement des études, des sondages et des enquêtes autour de l’arganier ainsi que de tous les opérateurs, chercheurs et institutions qui œuvrent dans ce domaine. L’objectif étant de disposer d’une radioscopie précise de tout ce qui fait l’espace dans lequel évolue l’arganier, et de tout ce qui évolue à l’intérieur de cet espace.
Le déboisement st les surpâturages dont est actuellement victime l’aire de l’arganeraie ne seront-ils plus qu’un mauvais souvenir. Nous osons l’espérer car il en va du devenir d’un arbre unique au monde.
La fuente: Le Matin du Sahara et du Maghreb. http://www.lematin.ma/