“Arafat est un adversaire retors”
Interview · Le point de vue d’Alain Grelzammer, professeur de sciences politiques à Tel-Aviv.
Par Serge Ronen
Le conflit israélo-palestinien devient de plus en plus sanglant et nul ne sait quand s’arrêtera l’escalade de la violence. Pourtant le politologue Alain Grelzammer, auteur d’un ouvrage remarqué («La nouvelle histoire d’Israël», chez Gallimard), tient à garder un regard lucide sur une situation qui verse fréquemment dans la «démence».
-Que pensez-vous de la décision du gouvernement d’Ariel Sharon de déclarer Yasser Arafat «ennemi d’Israël?»
-Je pense que cette décision est compréhensible, mais pas judicieuse. On ne choisit pas ses ennemis. Israël n’a pas d’autre alternative que de négocier avec Yasser Arafat, même si celui-ci est un adversaire retors, peu fiable.
-Que pensez-vous aussi de la carte blanche donnée à Tsahal pour lancer des opérations militaires tous azimuts?
– Ce n’est pas ce genre de décison qui fera progresser les choses dans la bonne direction. Seule une solution négociée peut ramener le calme et la sécurité. Je peux comprendre que le premier ministre cherche à satisfaire son opinion publique, mais le propre d’un homme politique est de se montrer moins impulsif que ses électeurs, de prendre le risque de l’impopularité.
-Croyez-vous encore à une paix possible?
– Le gouvernement Sharon n’a jamais donné un horizon politique aux Palestiniens, des raisons d’espérer. Il ne faut pas juger seulement les Palestiniens sur les attentats-suicides, mais également sur leur désespoir devant l’accroissement considérable du nombre des colonies de peuplement juives depuis les Accords d’Oslo en 1993.
-Arafat campe pourtant sur ses positions en ce qui concerne le droit au retour des réfugiés palestiniens…
– A mon avis, Israël a raison de s’opposer au retour des réfugiés. Cela signifierait à plus ou moins long terme la disparition de l’Etat d’Israël, mais il faut aussi faire la part des choses. Depuis Oslo, les premiers ministres israéliens successifs n’ont fait que multiplier les implantations dans les territoires occupés. Israël doit faire son mea culpa. Si pour nous Israéliens le droit au retour des réfugiés palestiniens est inacceptable, en revanche pour les Palestiniens les implantations juives sont également inacceptables. Les deux parties doivent renoncer chacune à des rêves impossibles et s’accommoder des nouvelles réalités.
-Arafat, Sharon, le médiateur américain Zinni, comment les jugez-vous?
– Je ne fais aucune confiance à Arafat, mais pas davantage à Sharon qui navigue à vue, sans projet politique. Quant au général Zinni, c’est un illustre inconnu, un militaire sans grande envergure.
-Vous avez la dent dure. Est-ce par pessimisme?
– Je suis pessimiste à court terme, mais optimiste à moyen et long termes. La solution des deux Etats – Palestine et Israël – finira par prévaloir. La source: La Liberté, Suisse (www.laliberte.ch).